La France comptait plus de 52,7 millions d'internautes1 en mai 2018 soit 83,8 % des Français de deux ans et plus avec 67,2 % de la population française qui se se sont connectés quotidiennement (42,2 millions). 2/3 des Français se connectent tous les jours et le temps passé sur la toile est de 1 h 28 (en moyenne. 15 % comptabilisent à eux seuls près de la moitié du temps total passé sur internet. Avec plus de 30 millions de mobinautes chaque jour (48 %), le smartphone est le premier écran pour se connecter au quotidien, devant l’ordinateur. Quels sont nos rapports avec le numérique ? Peut-on craindre de devenir cyberdépendant ou cyberaddict ? Quels sont les signes d’une cyberdépendance ? Comment savoir si l’on est cyberdépendant ? Existe-t-il des prises en charge pour la cyberdépendance ?
C’est une utilisation récurrente et persistante des multiples applications d’Internet dont l’usage devient une conduite difficilement contrôlable avec pour conséquence, une souffrance cliniquement significative2. Pour le moment le trouble lié à l’usage des jeux vidéo est le seul reconnu dans le manuel diagnostique (annexe DSM-5) et la CIM-11 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les critères diagnostiques de l’addiction à Internet n’étant pas reconnus, il est difficile de faire un diagnostic. La psychologue Kimberly S. Young, psychologue américaine a défini en 1998, huit symptômes3 :
Dans l’étude de Magali Dufour4 la majorité de l’échantillon des personnes interrogées (56,1 %) présente un autre problème de santé mentale (abus de médication, consommation de psychotropes, anxiété, dépendance, dépression).
L’addiction naît d’une interaction entre des facteurs environnementaux, individuels et liés à l’objet d’addiction. La dépendance à Internet montre des traits de personnalité avec :
La psychologue Daria Kuss6 a, dans une communication en 2016, répertorié un certain nombre d’études épidémiologiques. Les pourcentages d’addiction à Internet varient énormément – en particulier à cause des méthodes de reccueil de données - avec un chiffre généralement plus élevé dans les pays d’Asie (10,9 %).
En Europe, les taux de prévalence se situent entre ont de 1 % et 18,7% selon les études8.
L’abstinence totale n’est pas un objectif possible. L’association entre un traitement médicamenteux et une thérapie comportementale et cognitive a démontré son efficacité. Il est également important d’y associer l’engagement dans un groupe de soutien afin de lutter contre l’isolement social et, une thérapie familiale. Celle-ci peut, en particulier pour les adolescents, améliorer les relations et développer la communication intra-familiale9. Les prises en charge porteront sur la motivation au changement, le contrôle de l’usage… L’intervention s’adaptera bien sûr à la personnalité du patient et au degré d’intensité de sa problématique.
Cette prise en charge devra permettre à la personne de réinvestir les différentes sphères de vie - non virtuelle - le but étant de se réapproprier sa liberté et la capacité à faire des choix à travers d’autres activités et stimulations valorisantes.
Les applications des smartphones ouvrent des perspectives dans la prise en charge des addictions. Leur grande accessibilité, la diversité d’outils proposés pour le soutien à la prise en charge, guides d’auto-aide… facilitent l’appropriation par le patient et lui permettent d’être acteur de sa « psychothérapie ».
Des guides, brochures, flyers d’information sont publiés régulièrement. Des conseils y sont donnés aux parents comme :
Pour les plus jeunes, l’éducation aux médias joue un rôle crucial dans la prévention de la cyberdépendance. Les parents et les éducateurs doivent être sensibilisés à une utilisation excessive des réseaux sociaux. Ils doivent être capables d’identifier chez leurs enfants et adolescents, des changements de comportement et de centres d’intérêt. Les programmes scolaires pourraient fournir aux jeunes des conseils et du soutien en particulier autour des compétences psychosociales.
Internet a également des effets positifs ! N’interdisez pas Internet à vos enfants !
Stora M, Ulpat A. Hyperconnexion. Paris: Larousse; 2017.
Achab S, Zullino D. L’ère numérique, une époque de mutations pour la médecine des addictions. Psychotropes. 2017;23(3):9-20.
Suissa AJ. Sommes-nous trop branchés ? La cyberdépendance. Québec: Presses de l’Université du Québec; 2017.
Juneau S, Martel J. La cyberdépendance : un phénomène en construction. Déviance et Société. 2014;38,(3):285-310.
L’actualité sur la cyberdépendance dans l’espace documentaire de l’IFAC
1 L’Année Internet 2017. Médiamétrie, février 2018.
2 Young KS. Internet addiction: the emergence of a new clinical disorder. Cyberpsyhol Behav. 1998;1(3):237-44.
3 Cf note 2.
4 Dufour M, Nadeau L, Gagnon SR. Tableau clinique des personnes cyberdependantes demandant des services dans les centres publics de readaptation en dependance au Quebec: etude exploratoire. Sante Mentale au Quebec. 2014;39(2):149-68.
5 Cooper A, Scherer CR, Boies SC, Barry L. Gordon BL. Sexuality on the Internet: from sexual exploration to pathological expression. Prof Psychol Res Pr. 1999;30(2):154-64.
6 Kuss DJ. Internet addiction: the problem and treatment. Addicta: The Turkish Journal on Addictions. 2016;3(2):1‒8.
7Cheng C, Li AY. Internet addiction prevalence and quality of (real) life: a meta-analysis of 31 nations across seven world regions. Cyberpsychol Behav Soc Netw. 2014;17(12):755-60.
8 Pontes HM, Kuss DJ, Griffiths MD. Clinical psychology of Internet addiction: a review of its conceptualization, prevalence, neuronal processes, and implications for treatment. Neurosci Neuroecon. 2015;4 Pages 11-23.
9 Liu QX, Fang XY, Yan N, Zhou ZK, Yuan XJ, Lan J, et al. Multi-family group therapy for adolescent Internet addiction: Exploring the underlying mechanisms. Addictive Behaviors. 2015;42:1-8.