Accro au jeu vidéo ?

Le jeu vidéo est aujourd’hui un loisir qui concerne toutes les tranches de la population. Une enquête montre que 53 % des Français1 jouent régulièrement et 68 % occasionnellement. Qui joue le plus ? A quel type de jeu ? Pourquoi certaines personnes deviennent-elles addictes ? Quels sont les signes d’alerte d’un usage excessif ? Comment traiter cet usage problématique ?

 

Qui joue ? A quelle fréquence ?

Les derniers chiffres1 (octobre 2017) montrent que les plus gros joueurs se situent dans les tranches d’âge : 10-14 (95 %), 15-18 (92 %) et 19-24 (91 %). Ils sont 24 % à jouer tous les jours ou presque, 29 % jouent régulièrement (au moins 2 fois par semaine), 23 % jouent de temps en temps (2 ou 3 fois par mois) et 24 % jouent à l’occasion (2 ou 3 fois par an). Les jeunes de 17 ans joueraient pour 5 % d’entre eux entre cinq et dix heures par jour. De plus, en raison du temps passé devant les écrans, 23 % d’entre eux disent avoir rencontré, au cours de l’année ecoulée, un problème avec leurs parents, 5 % avec leurs amis et 26 % à l’école ou au travail.

 

A quel type de jeu jouent les joueurs  ?

Dans le classement 2017 des 10 premiers jeux vendus en France toutes plateformes confondues1, on trouve :

Les jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs (Massively multiplayer online role-playing game- MMORPG) dont « World of Warcraft » (WOW) et les arènes de bataille en ligne multijoueur (Multiplayer online battle arena-MOBA) dont « League of legends » (LOL) sont des jeux présentant potentiellement un caractère addictif. Ce sont tous les deux, des jeux d'équipe où les joueurs doivent se coordonner pour espérer gagner. Chaque joueur incarne un héros dont les pouvoirs varient selon sa classe.

 

Puis-je être « addict » au jeu vidéo ?

Le consensus sur l’expression à employer pour décrire un usage excessif des jeux vidéo a toujours fait débat. Le terme d’addiction ne fait pas l’unanimité de part ses connotations. Dans la dernière version de la classification internationale des maladies (CIM-11) de juin 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a inclus un trouble du jeu vidéo, le « Gaming disorder »2 .
On retrouve dans l’utilisation problématique des jeux vidéo, des similitudes que l’on note aussi dans la consommation de substances psychoactives.

 

Les facteurs de risques d’une addiction au jeu vidéo

Certains adolescents vont avoir des fragilités psychologiques qui vont les rendre plus sensibles à l’usage abusif des écrans. Parmi ces facteurs de risques on trouve :

On trouve également un risque de développer une addiction au jeu vidéo chez des adultes étudiants ou demandeur d'emploi pour lesquels, le temps libre et la liberté n'entravent pas le temps de jeu3

 

Les caractéristiques de l’addiction au jeu vidéo

Le trouble du jeu vidéo inclus en juin 2018 dans la CIM-11 caractérise le jeu vidéo par :

Ces comportements de jeu et d'autres caractéristiques sont observés sur une période d'au moins 12 mois pour qu'un diagnostic puisse être posé…

 

Combien de joueurs « addicts »

Sur 27 études réalisées4  entre 1998 et 2016 et dans 14 pays d’Europe, 8 pays d’Asie du Sud-Est, les Etats-Unis, l’Australie… on a trouvé un pourcentage moyen de prévalence de 4,7 %.

Une autre étude européenne menée en Italie5, donne 15,2 % de joueurs problématiques et 2,1 % de joueurs « addicts ».

Une étude6 menée dans  différents pays (Estonie, Allemagne, Italie, Roumanie et Espagne) montre une prévalence de joueurs pathologiques de 3,62 %...

La seule enquête française7 disponible est celle du Programme d’étude sur les liens et l’impact des écrans sur l’adolescent scolarisé (PELLEAS) réalisée en 2013 qui révèle qu’un élève sur huit avait un usage problématique des jeux vidéo (panel de 2 000 élèves de la région parisienne).

 

Les conséquences de l’usage excessif de jeu ?

L’addiction au jeu va impacter toute la vie de la personne dans tous les domaines : scolaire, professionnel, affectif, familial etc…

 

Les signes d'alerte

Un parent ou une personne de l’entourage va s’inquiéter lorsque l’espace individuel ludique va venir envahir les autres domaines de la vie du sujet : école, travail, environnement affectif et familial…
Les MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Game) comme par exemple World of Warcraft (WoW) qui proposent des quêtes dans un univers persistant et continu avec la création d’un avatar donnant un fort sentiment de reconnaissance font partie des jeux les plus addictogènes. Ils renforcent chez l'adolescent la dimension sociale d’appartenance à une communauté. En plus, ces jeux proposent des récompenses aléatoires et rapides qui plaisent aux adolescents.
L’inscription dans une guilde (association pérenne de joueurs avec un intérêt commun pouvant engendrer des bonus) peut aussi renforcer l’estime de soi pour peu que l’on y développe des qualités fédératrices.
Les MMORPG ont tendance à être remplacés par les jeux de type MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) comme League of Legend ou des jeux de tirs comme Fortnite qui font aussi appel à de la stratégie et à une cohésion d’équipe.

 

Les effets positifs des jeux vidéo

L’addiction concerne une minorité des joueurs… Par ailleurs, si le risque addictif existe, les jeux vidéo ont aussi un intérêt…
Des études ont montré des apports du jeu vidéo dans des domaines comme la formation, la prévention santé ou l’amélioration de celle-ci.

Les jeux vidéo peuvent développer des capacités cognitives, des capacités d’attention, de concentration. Ils améliorent la mémoire, la coordination entre l’œil et la main (beaucoup de jeux de sport ou des FPS).
Le jeu vidéo se déroule dans un espace précis, limité dans lequel il faut apprendre à se déplacer. Cela développe une meilleure représentation de l’espace. L’acuité et l’attention visuelle sont largement améliorées par la pratique de jeux vidéo. Et comme indiqué, précédemment, la participation à une guilde pourra développer l’estime de soi.

 

Les serious game

Dans de nombreux domaines de formation sont apparus ces « jeux sérieux ». Les environnements vidéo-ludiques proposés mettent en scène des situations de gestion, transaction, évaluation… Ils peuvent être utilisés par les professionnels du marketing, par les formateurs…

 

La thérapie par le jeu vidéo

Les jeux vidéo peuvent constituer un support pour des psychothérapies et en particulier les troubles phobiques à travers la construction et l’utilisation d’avatars.

L’activité de jeu comporte des bienfaits incontestés et la pratique du jeu vidéo, en contribuant à alimenter, voire stimuler les échanges avec les pairs, constitue une forme de sociabilité. Celle-ci reste le plus souvent marquée par la faiblesse de l’engagement affectif, du fait du confinement de la relation sociale dans l’univers du jeu. Il ne s’agit donc pas de diaboliser le jeu vidéo mais seulement de relever que, pour certains joueurs en situation de vulnérabilité psychique, un excès d’activités vidéo-ludiques peut engendrer isolement et retrait social.

 

Quelle sera la prise en charge proposée à un joueur ?

De plus en plus de services d’addictologie proposent des prises en charge spécialisées pour l’usage excessif de jeux vidéo (cf l’annuaire des soins sur notre site). Il s’agit généralement d’une prise en charge biopsychosociale, qui propose à la fois une prise en charge médicale et psychothérapeutique, ainsi qu’un accompagnement social et familial auquel des groupes d’entraide peuvent être associés… La construction d’une bonne alliance thérapeutique est essentielle car la demande de soins est souvent plus portée par l’entourage que par le joueur lui-même.
Le soignant peut questionner le joueur par exemple sur sa « consommation » de jeux (à quel jeu il joue, combien de temps, joue t-il avec des copains, des personnes qu’il rencontre en ligne… ). L’important pour le psychologue ou le psychiatre sera d’établir le contact. Céline Bonnaire, psychologue a décrit sa pratique lors d’entretiens avec des adolescents et des parents8.

 

Et la famille dans tout ça ?

Il est important que dans le cadre d’une prise en charge, la famille puisse s’exprimer sur la situation, sur sa souffrance et ses difficultés à faire face à cette situation. Des prises en charge de type « thérapie familiale » ont montré leur intérêt dans la prise en charge de l'addiction aux jeux vidéo.

 

Et les adultes joueurs ?

La plupart des joueurs ne souhaitent pas arrêter, mais réduire leur temps de jeu. Au début de la prise en charge, le soignant va évaluer la motivation de son patient au changement de comportement (encourager le changement et réduire la résistance au changement). Une fois que la personne a pris sa décision et qu'elle est motivée pour changer, les techniques cognitivo-comportementales sont tout à fait adaptées pour aider à réaliser les changements et à les consolider. Il existe aussi d'autres thérapies : la thérapie de l'acceptation et de l'engagement (ACT), la thérapie de la pleine conscience (à base de méditation), la thérapie comportementale dialectique9...  

 

Un groupe entourage à l'Espace Barbara - CHU de Nantes

Comme dans d’autres centres de soins, l’espace Barbara (CHU de Nantes) propose un groupe de paroles « Entourage Jeux vidéo ». Un article paru dans la revue « Psychotropes » aborde cette prise en charge10

Télécharger le calendrier du groupe « Entourage Jeux vidéo ».

 

La prévention

Le rôle de l’Etat est de protéger les personnes fragiles. Dans le cas des jeux vidéo, il doit informer les parents et leurs enfants d’un usage problématique en particulier de certains jeux plus « accrocheurs » comme les MMORPG les MOBA ou les FPS. Des organismes comme Pédagojeux ou l’Institut d’éducation médicale et de prévention (IEMP) proposent des outils (sites Internet, flyers…) pour informer les joueurs et leur entourage. Les Promeneurs du Net accompagnent, les jeunes dans l’utilisation du Net.

Le fait d’avoir des parents sachant définir clairement ce que leurs enfants ont « le droit de faire » et qui ont établi des conditions d’utilisation des écrans (durée limitée autorisée, moments autorisés dans la semaine, contrôle parental...) agit comme facteur de protection à l’égard du risque d’usage problématique de jeux vidéo.

 

couv brochure JV red La brochure « Les règles du jeu… Information et prévention sur l’usage des jeux vidéo à la maison »

Elle a été créée par l’IFAC et l’association proposant des loisirs pour les enfants ACLEEA (Indre) et est disponible en téléchargement ici

 

 

Quelques conseils de lecture

Rocher B, Simonetti AL. Le trouble d'utilisation du jeu vidéo, une nouvelle addiction dans la classification internationale des maladies de l'OMS. http://www.maad-digital.fr/; mars 2018

 

Phan O, Bonnaire C, Har A, Bastard N, Serehen Z. Jeux vidéo, alcool, cannabis : prévenir et accompagner son adolescent. Paris: Editions Solar; 2017

 

Deleuze J, Maurage P, De Timary P, Billieux J. Addiction à Internet : le cas des jeux vidéo en ligne. Dans: Reynaud M, Karila L, Aubin HJ, Benyamina A. Traité d'addictologe. 2e ed. Paris: Lavoisier; 2016. p. 823-9.

 

Romo L, Bioulac S, Kern L, Michel G. La dépendance aux jeux vidéo et à Internet. Paris: Dunod; 2012

 

Et encore...

L’actualité sur l’addiction aux jeux vidéo dans l’espace documentaire de l’IFAC

 

 

 

1 L'essentiel du jeu vidéo : marché, consommation, usages. Paris: Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL); 2017.

2 Définition du « Gaming disorder » dans l’International classification of diseases l’ICD-11 Online

3 Caillon J, Bouju G, Grall-Bronnec M. Jeux vidéo : les motivations et l’intensité de la pratique évoluent-elles avec l’âge ? Comparaison entre une population de joueurs. Arch Pediatr. 2014;21(3):251-7

4 Wendy Feng W, Ramo DE,  Chan SR, Bourgeois JA. Internet gaming disorder: trends in prevalence 1998–2016. Addict Behav. 2017;75:17-24

5 Milani L, La Torre G, Fiore M,  Grumi S, Gentile DA,  Ferrante M et al. Internet gaming addiction in adolescence: risk factors and maladjustment correlates. Int J Ment Health Addiction. Online: 20 March 2017

6 Strittmatter E, Kaess M, Parzer P, Fischer G, Carli V,  Hoven CW et al. Pathological Internet use among adolescents: Comparing gamers and non-gamers. Psychiatry Res. 2015 Jul. 228(1):128-35

7 Obradovic I, Spilka S, Phan O, Bonnaire C. Écrans et jeux vidéo à l’adolescence. Premiers résultats de l'enquête du Programme d’étude sur les liens et l’impact des écrans sur l’adolescent scolarisé (PELLEAS). Tendances. 2014;97.

8 Bonnaire C. La prise en charge des joueurs problématiques de jeux vidéo et de leur famille. Dans: Varescon I. Le psychologue en addictologie. Paris: Editions In Press; 2015. p. 189-206.

9Romo L, Bioulac S, Kern L, Michel G. La dépendance aux jeux vidéo et à Internet. Dunod, 2012.

10 Rocher B et al. Les prises en charge de groupe dans l’addiction aux jeux vidéo. Psychotropes. 2012 ;18(3-4) :109-22.

 

04/12/2018

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